Enjeux philosophiques et politiques des automates computationnels
Contrairement à ce que le vocable d’ « intelligence artificielle » pourrait laisser croire, les technologies numériques contemporaines n’apprennent pas et n’inventent pas. Elles constituent des systèmes d’écriture et des dispositifs de calculs, qui, grâce, à l’indexation (humaine) de quantités massives de données et au moyen de certaines opérations mathématiques très spécifiques, permettent de « générer » des contenus (textuels ou imagés) comparables aux contenus dits « humains » (sur l’exploitation statistique desquels ces systèmes sont fondés).
S’il faut critiquer la notion d’« intelligence artificielle », c’est donc d’abord pour déconstruire les analogies entre esprits, cerveaux et ordinateurs (qui reposent sur les dualismes métaphysiques les plus classiques), afin d’ouvrir une réflexion à la fois épistémologique, anthropologique et politique au sujet de ce que nous proposerons de décrire comme des automates computationnels ou numériques.
Une telle critique peut être dite pharmacologique dans la mesure où elle ne vise pas à dénoncer ou à condamner tel ou tel dispositif, mais à s’interroger sur les limites (théoriques comme pratiques) des technosciences et de l’automatisation numériques, tout en proposant des modèles alternatifs.
Le développement fulgurant des « intelligences artificielles génératives », qui intègrent désormais tous les écosystèmes numériques (moteurs de recherche, suite bureautique, code informatique, etc.) prépare une bifurcation technologique majeure, qui pourrait conduire, à terme, à l’automatisation des facultés d’expression et de pensée.
De tels dispositifs extractivistes reposent sur l’exploitation des ressources naturelles et culturelles, renforçant la catastrophe écologique en cours tout comme les risques de prolétarisation et d’uniformisation symboliques. Dans un tel contexte d’innovation radicale et disruptive, est-il encore possible de mettre les algorithmes au service de pratiques herméneutiques et contributives ?