La vie exosomatique : de l’anti-entropie à l’anti-anthropie
En décrivant l’ère Anthropocène comme une ère Entropocène, c’est-à-dire, comme un processus de production massive d’entropie sous toutes ses formes (physique, biologique, informationnelle et psycho-sociale), nous proposons un nouveau diagnostic de la situation contemporaine, qui ne repose plus sur une opposition entre une humanité technicienne et une nature originaire, mais qui suppose d’appréhender le lien intrinsèque entre la destruction des écosystèmes, des espèces et de la biodiversité (augmentation d’entropie au niveau biologique) et la destruction des savoirs, des cultures et de la noodiversité (augmentation d’entropie au niveau informationnel ou psycho-social).
Une telle perspective suppose de distinguer l’anti-entropie produite par l’organisation et l’évolution des organismes biologiques et l’anti-anthropie produite par la constitution et la transformation des savoirs sociaux et collectifs.
Une relecture de l’histoire de la philosophie et des sciences du XXème siècle semble alors s’imposer, afin de saisir les enjeux de ces questions d’(anti-)entropie et d’(anti-)anthropie dans différents domaines, depuis les sciences du vivant jusqu’aux sciences humaines, en passant par la technologie, la politique et l’économie, et en dépit des nombreuses confusions et approximations auxquelles ces notions ont donné lieu.
Les enjeux de l’entropie et de l’anthropie peuvent-ils devenir l’objet d’un débat interscientifique, rigoureux et ouvert, susceptible d’élaborer des perspectives nouvelles pour sortir de l’Entropocène ? « Ce concept si prodigieusement abstrait d’entropie » (Poincaré), qui traverse aujourd’hui tous les champs de l’existence humaine, peut-il devenir l’objet d’une explicitation et d’une clarification scientifique, afin de pénétrer les débats politiques ?