Repenser l’informatique théorique

Enjeux politiques et philosophiques de l’épistémologie cybernétique.

Groupe de travail (2021-2022) : Marie Alauzen (Paris Sciences Lettres), Anne Alombert (Université Paris 8), Eugène Favier-Baron (Université Libre de Bruxelles), Michal Krzykawski (Université de Silésie à Katowice), Vincent Ortiz (Université d’Amiens), Tyler Reigeluth (Université Catholique de Lille), Simon Woillet (Université Paris 3), Bertrand de Fay.

Ce groupe de travail a pour fonction d’interroger les fondements théoriques et les conséquences politiques de la cybernétique. L’enjeu consiste à extirper les technologies numériques d’un certain discours techno-solutionniste, afin de les repositionner dans un héritage épistémologique, philosophique et politique, qu’il s’agit d’interroger de manière problématique.

Marlyn Wescoff [left] and Ruth Lichterman were two of the female programmers of ENIAC.
Corbis/Getty Images | Marlyn Wescoff [left] and Ruth Lichterman were two of the female programmers of ENIAC.

Présentation du groupe de travail

Nous reviendrons tout d’abord sur l’émergence de l’épistémologie cybernétique dans les années 1950, afin d’en saisir les principaux axiomes et enjeux. Nous étudierons ensuite les transferts théoriques du paradigme cybernétique dans les sciences sociales (linguistique, psychologie, sciences cognitives, économie, sociologie), en interrogeant les conséquences politiques de ces transferts, des années 1960 à aujourd’hui. Nous tenterons enfin d’explorer des paradigmes théoriques alternatifs, qui ne reposent plus sur les analogies entre le vivant, la machine et la société, mais qui s’intéressent aux agencements entre organes biologiques, organes techniques et organisations sociales.

Les recherches de ce groupe de travail s’articulent donc autour de trois questionnements :

  1. Le paradigme cybernétique, axiomes et débats : entre machines vivantes, intelligence artificielle et augmentation de l’intelligence (information, communication, computation)

Comment caractériser le projet cybernétique ? Sur quels principes et quels concepts est-il fondé ? L’héritage cybernétique est-il cohérent avec les intuitions des premiers cybernéticiens ? Ne contribue-t-il pas à effacer certaines voix, certains désaccords, certains débats, certaines tensions internes au mouvement cybernétique lui-même ?

  1. De la cybernétique aux sciences sociales : études des transferts théoriques du paradigme cybernétique (en économie, linguistique, sociologie) et de ses conséquences politiques, des années 1960 à aujourd’hui

Comment l’imaginaire scientifique de la cybernétique a-t-il progressivement pénétré  le champ des sciences humaines, mais aussi des sciences sociales et des sciences économiques ? Comment est-on passé d’une théorie des organismes vivants à une théorie des sujets cognitifs puis des organisations sociales ? Quelles sont les conséquences actuelles de telles transpositions ?

  1. Vers une refondation épistémologique : exploration de paradigmes théoriques alternatifs et explicitation de leurs enjeux politiques.

L’épistémologie cybernétique qui semble dominante aujourd’hui est-elle fondée sur des axiomes solides ? Quelles sont les limites des analogies cybernétiques pour penser le vivant, la machine et la société ? La notion d’information, qui a permis l’unification apparente de ces trois domaines, ne doit-elle pas être dépassée ? Si ces analogies et cette notion sont encore au cœur des discours scientifiques et économiques contemporains, toute entreprise critique ne se doit-elle pas de poser à nouveau frais ces questions épistémologiques, avant de proposer des alternatives politiques ?