Critique de l’Intelligence Artificielle

Enjeux philosophiques et politiques de l’automatisation numérique

Organisation : Anne Alombert, Baptiste Loreaux, Alban Leveau-Vallier
Contacts : anne.alombert@univ-paris8.fr  ; batloreaux@gmail.com  ; albanlv@gmail.com.
Dates : 18h-21h les 5 février, 13 février, 19 février, 11 mars, 25 mars, 8 avril, 24 avril, 6 mai, 13 mai 2024.
Lieu : Université Paris 8, MR A2 204.

Le développement fulgurant des « intelligences artificielles génératives », qui tendent aujourd’hui à intégrer massivement l’écosystème numérique (moteurs de recherche, suite bureautique, code informatique, etc.) prépare une bifurcation technologique majeure, qui pourrait conduire, à terme, à l’automatisation des facultés d’expression et de pensée. Contrairement à ce que le vocable d’ « intelligence artificielle » pourrait laisser croire, les technologies numériques contemporaines n’apprennent pas et n’inventent pas : elles constituent des dispositifs de calculs, qui, grâce, à l’indexation (humaine) de quantités massives de données et au moyen de certaines opérations mathématiques très spécifiques (algorithmes de rétropropagation de l’erreur notamment), permettent de « générer » des contenus (textuels ou imagés) comparables aux contenus dits « humains » (sur l’analyse statistique desquels ces systèmes sont fondés). S’il faut critiquer la notion d’« intelligence artificielle », c’est donc d’abord pour déconstruire les analogies entre esprits, cerveaux et ordinateurs (qui reposent sur les dualismes métaphysiques les plus classiques), afin d’ouvrir une réflexion à la fois épistémologique, anthropologique et politique au sujet de ce que nous proposerons ici de décrire comme des « automates computationnels ».

Une telle critique n’a pas pour but de dénoncer ou de condamner tel ou tel dispositif, mais bien de s’interroger sur les limites (théoriques comme pratiques) des technosciences numériques. C’est donc le sens kantien de la « critique » que nous retenons ici, et que nous tenterons de déployer selon deux perspectives complémentaires.

• Une critique généalogique et politique tout d’abord : il nous faudra revenir sur la genèse des technologies actuelles, qui tirent leurs origines des recherches cybernétiques amorcées dès les années 40-50, en particulier dans les laboratoires de recherche américains, contemporainement à l’engagement des Etats-Unis dans le second conflit mondial. Dans quelle mesure cet ancrage historique configure-t-il cette mutation technologique ? Les impératifs de la Guerre Froide et du management néo-libéral ont-ils donné une nouvelle tournure à cette mutation ? Comment les évolutions technologiques actuelles s’intègrent-elles à la logique du capitalisme numérique, fondé sur l’économie comportementale et la gouvernementalité algorithmique ? Comment appréhender la question de la « singularité technologique » hors des mythes transhumanistes ? Ladite « singularité technologique » masquerait-elle l’automatisation de la décision et l’élimination de la politique ?

• Une critique épistémologique et philosophique ensuite : quels sont les paradigmes théoriques sous-jacents aux sciences cognitives, à la cybernétique et au champ de ce qui a été nommé, en 1956, l’ « intelligence artificielle » ? Quel rôle la notion problématique d’information a-t-elle joué dans ces disciplines ? Quels sont les enjeux du passage de l’IA symbolique à l’IA connexioniste ? Si un nombre croissant d’entités semblent échapper aux catégories stabilisées dans les oppositions conceptuelles traditionnelles de sujet et d’objet, de nature et de culture, de vivant et de machine, etc., comment éviter le double écueil d’une mécanisation de l’esprit, largement véhiculée par l’idéologie cognitivo-computationnaliste et de l’anthropomorphisation des dispositifs algorithmiques, largement véhiculée par l’idéologie transhumaniste ? Si l’esprit doit être appréhendé à partir de sa dimension externalisée et distribuée dans les environnements techniques, jusqu’où ce mouvement d’hybridation peut-il aller ? Et à quelles conditions peut-il se révéler désirable pour les sociétés ?

 

PROGRAMME

5 FEVRIER Cybernétique et politique dans les travaux de Norbert Wiener
Séance dirigée par Pierre Cassou-Noguès
13 FEVRIER à 15hProméthée numérique, entre rêves et cauchemars
Séance dirigée par Anne Alombert, Andrea Angelini et Giuseppe Longo
19 FEVRIER –  Automates, cerveaux et ordinateurs : une critique interne des idéologies computationalistes et
cognitivistes à partir des travaux de John von Neumann
Séance dirigée par Baptiste Loreaux
11 MARS Hypernudge : cybernétique et management
Séance dirigée par Eugène Favier-Baron et Simon Woillet
25 MARSLe rôle de la cybernétique dans la pensée de Félix Guattari
Séance dirigée par Quentin Dubois
8 AVRIL La controverse autour des facultés de raisonnement des grands modèles de langages
Séance dirigée par Alban Leveau-Vallier
9 AVRIL à 16h – Discussion autour des travaux de Geert Lovink
Séance dirigée par Geert Lovink
6 MAI – Machine learning et enactivisme selon Francesco Varela
Séance dirigée par Vincent Bagayoko
13 MAI – Panser l’exosomatisation cybernétique et la bêtise artificielle avec Bernard Stiegler
Séance dirigée par Anne Alombert
BIBLIOGRAPHIE
Ouvrages
Articles