Économies, écologies, énergies

De la mécroissance à la croissance néguanthropique

En 1989, dans un livre intitulé Les Trois écologies, Félix Guattari invitait à repenser la question écologique de manière systématique, en articulant la question de « l’écologie environnementale » à celles de « l’écologie sociale » et de « l’écologie mentale » : « seule une articulation (…) entre les trois registres écologiques, celui de l’environnement, celui des rapports sociaux et celui de la subjectivité humaine » lui semblait de taille à affronter la crise écologique contemporaine.

Standard Oil Refinery No. 1, Cleveland, Ohio, 1889.

Grâce à la distinction entre trois types d’entropies (entropie au niveau thermodynamique, entropie au niveau biologique, et entropie au niveau informationnel ou psycho-social), les travaux de Bernard Stiegler permettent aujourd’hui de s’engager dans la triple perspective écologique avancée par Guattari. Ils nous invite à penser l’Anthropocène à la fois comme une crise de l’écologie environnementale, caractérisée par la production d’entropie aux niveaux thermodynamique et biologique (dissipation de l’énergie, dispersion des ressources minérales, dérèglement climatique, destruction des écosystèmes, réduction de la biodiversité) et comme une crise de l’écologie mentale et sociale, caractérisée par la production d’entropie informationnelle ou psycho-sociale (dissipation de l’attention, diffusion de fausses informations, destruction ou automatisation des savoirs, réduction de la diversité culturelle et sociale). L’économie devrait alors être repensée comme une lutte contre l’entropie, aux niveaux des trois écologies.

Comment préserver et cultiver les écosystèmes naturels, menacés par le capitalisme productiviste et industriel qui exploite les ressources minérales ? Comment préserver les écosystèmes psychiques et sociaux, menacés par le capitalisme consumériste et computationnel, qui exploite les ressources libidinales ? Comment économiser les ressources physiques, grâce à la mobilisation d’énergies renouvelables ? Comment économiser les ressources psychiques, grâce à la sublimation des énergies pulsionnelles dans des objets de désirs et des activités sociales ?

En savoir plus…

Ressources

N. Georgescu-Roegen, La décroissance. Entropie, écologie, économie, 1979.
F. Guattari, « Qu’est-ce que l’écosophie ? », 1991.
B. Stiegler, « Mécroissance », site de Ars Industrialis.
B. Stiegler, « De l’économie libidinale à l’écologie de l’esprit. Entretien avec Frédéric Neyrat », Multitudes, vol. no 24, no. 1, 2006.
C. Giaccardi et M. Magatti, “La générativité sociale comme réponse à la crise du capitalisme”, Revue du MAUSS, 2016.
B. Stiegler et G. Giraud, « Entropie, économie contributive et gestion des communs », 2018.
A. Alombert, “Panser un monde habitable et désirable”, The Conversation, 2020.
A. Alombert et M. Krzykawski, « Economie, écologies, énergies », Séminaire Bifurquer, 2020.
D. Ross, “Carbon and Silicon: Contribution to an Elemental Critique of Political Economy”, Political Anaphylaxis. Steps towards a Metacosmics, 2020.
A. Alombert, « Quelles transitions écologiques pour les trois écologies ? », Cahiers COSTECH n°4, 2021.
V. Petit, « L’écologie de Bernard Stiegler », Cahiers COSTECH n°4, 2021.